Alain Dagron

Au début de mon ministère de prêtre (à la fin des années 70), j’ai suivi deux jeunes confrères qui cherchaient et expérimentaient une pratique de lecture commune des Ecritures. Ils avaient entendu (le Concile Vatican II et sa constitution « La Parole de Dieu » étaient tout proches) que l’Eglise du Christ rendait nécessaire une telle pratique pour que le « peuple », tous et chacun, soit maintenu dans l’écoute et l’amour de la Parole du Seigneur. Lire ensemble et demander l’Esprit – le Souffle – qui traverse les Ecritures. Ils y ajoutaient la nécessité d’une méthode qui permette d’observer les Ecritures en mettant quelque distance entre le texte et les lecteurs. Ainsi, l’écrit serait respecté dans sa forme et son expression propres, les lecteurs verraient leur faim et leur attente de l’Esprit (leur prière) se développer.

J’ai vécu ces premières expériences avec enthousiasme : lorsque nous étions réunis, la lecture appelait la participation de chacun, observations, confrontations, patience commune et surtout, la joie d’entrer ensemble dans les détails des écrits, les difficultés qui surgissaient et qui mettaient à l’épreuve, barrant la route à une compréhension immédiate, à l’assimilation d’un sens immédiat. Nous vivions cela en groupes plus ou moins nombreux, avec des personnes de tous âges, chacun apportant ses remarques, ses étonnements et sa joie dans la quête de la Parole vivante. Très naturellement cela est devenu une pratique essentielle de ma vie chrétienne et ma vie de prêtre.

Après avoir approfondi les éléments (théoriques et méthodologiques) nécessaires pour la lecture, pendant deux ans à la faculté de théologie de Lyon au sein d’un institut qu’on appelle le CADIR (Centre pour l’Analyse du Discours Religieux),

j’ai continué, dans ma vie pastorale, à donner la priorité à la pratique de la lecture commune de la Bible comme intrinsèquement liée à la célébration des sacrements.

Cela constitue la plus grande grâce de ma vie d’avoir trouvé tant d’hommes et de femmes, jeunes et moins jeunes, qui se sont attachés avec beaucoup de joie, à une lecture commune régulière, opiniâtre et exigeante. J’ai ainsi été témoin de bien des cheminements de conversion, d’approfondissement, d’attachement à la personne du Seigneur Jésus Christ, et d’engagement pour lui. J’y ai aussi reçu progressivement de nouvelles manières de rencontrer les personnes, d’écouter avec patience et de parler, en connaissant mieux mes résistances à entendre, en consentant à écouter sans comprendre mais en attendant.

Depuis 2000, Françoise Ladouès m’a invité à servir la lecture commune de la Bible par des émissions de radio sous forme d’interviews. Trois séries d’émissions, « Vigilance »,

« Itinérance » et « Par un autre chemin », ont été produites avec Emmanuel Labails jusqu’à ce jour, sur RCF Bordeaux. Lecture publique et à deux voix, elles constituent une invitation large à entrer dans cette expérience. Cela nous permet aujourd’hui, en diffusant sur internet les podcasts de ces émissions et des documents écrits, de mettre ce travail à la disposition du public. Il me tarde que des personnes nombreuses s’en saisissent et découvrent - ou entretiennent - par-là, la joie de chercher Quelqu’un à travers les traces écrites qui nous en ont été transmises. Elles attendent nos vies pour y produire leurs effets de lien et d’inspiration, d’incarnation.